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"Je filme parce que cela m'évite de parler."
Yang Dechang
L'histoire :
NJ Jian est un homme d'une quarantaine d'années. Il doute, fait le bilan de sa vie, se demande si elle aurait pu être différente. Chez lui, les disputes et les crises avec sa femme Min-Min se succèdent. Sur le plan professionnel, l'entreprise de matériel informatique dont il est associé est au bord du dépôt de bilan.
C'est dans ce contexte qu'il retrouve son amour de jeunesse, Sherry qu'il n'a pas revue depuis plus de 20 ans. NJ se demande alors s'il est possible de repartir à zéro.
Parallèlement, la société de NJ tente une association avec une société japonaise. NJ se lie d'amitié avec Ota (concepteur de logiciels de jeux), un homme délicat, loin de l'esprit de compétition commerciale. Dans son foyer les choses ne font qu'empirer et sa belle mère se retrouve dans le coma, après une attaque cardiaque. Yang Yang, le fils de NJ s'intéresse quand à lui, à " l'autre moitié de la vérité ", celle que l'on ne voit pas, et qu'il tente de capturer avec son appareil photo.
Le personnage de Sherry au premier plan
Une lecture du film:
Yi Yi est le huitième film du réalisateur Yang Dechang, dans lequel il reste fidèle à son style et à l'idée du "Nouveau Cinéma taïwanais" : utilisation d'acteurs non-professionnels et univers de la classe moyenne vivant dans une grande ville avec tous les problèmes qui en découlent.
Yang Dechang nous prouve une fois de plus qu'il aime à filmer Taipei (comme dans Mahjong, son précédent film).
Une autre problématique récurante chez Edward Yang est également présente: la question du langage. Taipei est un lieu de mixité et dans Yiyi, les personnages parlent mandarin, taïwanais, japonais et anglais.
Avec Yiyi, l'auteur s'adresse à chacun d'entre nous à travers ces quatre générations face à leurs problèmes. Le film dure près de trois heures et pourtant on a l'impression qu'il ne dure qu'un instant, le temps de feuilleter un album photo, celui de la famille Jian.
Pourtant Edward Yang ne filme pas une famille. Il prend le prétexte d'une famille pour s'adresser à chacun de nous, et plus généralement nous parler de la vie.
Par ailleurs, il faut signaler une nouveauté dans le cinéma d'Edward Yang. Pour la première fois il filme un autre lieu que son île. Yang a voulu retranscrire ses propres émotions éprouvées plusieurs années auparavant lorsqu'il s'est rendu pour la première fois au Japon. Yang dit lui même qu'il voulait montrer quelque chose qui l'avait interpellé. Le personnage de NJ arrive à Tokyo de nuit et voit que les lumières des bureaux situés dans les buildings ne s'éteignent jamais, même après les horaires normaux de travail, même en pleine nuit.
Enfin Edward Yang a beaucoup utilisé dans ce film la réflexion des vitres. Vous noterez que dans Yiyi, cette utilisation est présente dans bon nombre de scènes. Yang pense que cela ouvre l'espace et donne une deuxième lecture aux choses, créé de nouveaux espaces, cela étant particulière intéressant en milieu urbain.
Les acteurs:
Wu Nianzhen qui joue le rôle de NJ n'est pas seulement un acteur. Il est aussi et surtout connu à Taiwan pour les scénarios qu'il écrit et ses talents de réalisateur.
Issey Ogata qui interprète le personnage de Mr Ota, est très populaire au Japon pour ses One man shows. Il rêvait depuis toujours d'être acteur de cinéma, mais au pays du soleil levant, il n'est pas de mise de mener plusieurs carrières artistiques de front. Le fait de jouer dans un film taiwanais lui a permis d'exprimer ses talents d'acteurs ailleurs que sur des planches, seul face au public.
Ke Suyun, Sherry dans le film, est une actrice à la retraite qui vit à Vancouver. Yang voulait une actrice qui parle couramment anglais, et s'est rappelé de Ke Suyun qui avait déjà joué dans son premier film.
Le jeune Jonathan Chang avait originellement participé à un casting pour une publicité, mais n'avait pas été retenu. Edward Yang a voulu lui donner une chance supplémentaire et une sorte de compensation en lui offrant le rôle de Yang Yang.
La plupart des acteurs qui jouent dans Yiyi sont d'anciens élèves de Yang Dechang auxquels il fait appel de temps à autres pour interpréter des rôles. D'ailleurs si vous êtes des spectateurs attentifs vous reconnaîtrez quelques visages déjà aperçus dans Mahjong.
Fiche technique :
Réalisation / scénario : Yang Dechang (Edward Yang)
Interprétation :Wu Nianzhen (NJ Jian)
Kelly Lee (Ting-Ting)
Jonathan Chang (Yang-Yang)
Issey Ogata (Mr Ota)
Elaine Jin (Ming-Ming)
Ke Suyun (Sherry)
Durée : 2h53
Producteurs : Yu Weiyen, Kubota Osamu
Directeur de la photographie : Yang Weihan
Musique : Peng Kaili
Montage : Chen Bowen
"je pense que ce que j'ai voulu montrer avec ce film c'est que le fait d'être jeune ou vieux ne change pas grand chose. Chacun se débrouille dans la vie comme il peut quelque soit son âge. C'est toujours pareil. Tout le monde se demande s'il ne mérite pas plus que ce qu'il a et si par hasard, il n'aurait pas droit à une seconde chance."
"J'aurais pu choisir de traiter les thèmes et les questions que j'aborde là en filmant la vie d'une seule personne, de sa naissance à sa mort. Mais j'ai pensé que j'y parviendrais mieux avec une famille dans laquelle tous les âges sont représentés par un membre différent."
"Le problème de Taiwan, c'est que la profession est trop morcelée et trop réduite. Il n'existe plus de vivier comme autrefois dans lequel vous puisiez pour trouver des acteurs expérimentés. […] Si vous souhaitez aller à l'authenticité, alors il se peut que vous soyez contraint de trouver des acteurs à former."
Attention: Le site officiel du film Yiyi est à votre disposition, suivez le guide
