Jiazi

(The Clippers)

 

Couverture de l'album "Turn on the disco ball"

 

Taiwan, haut lieu de la Pop édulcorée ? Pas seulement. Si vous passez quelques temps à Taipeh, essayez l'Underworld Café ou le Riverside Café. Peut-être aurez-vous la chance d'assister à des spectacles musicaux d'un genre plus particulier et plus attrayant que ceux qui envahissent les écrans télés de MTV ou V channel.

Jiazi (en chinois), The Clippers (en anglais) est de cette trempe, résolument à part et novateur : Concerts Shows avec danseuses, Rock Punk teinté de Nagashi et de mélodies naïves aux faux accents de marches militaires, paroles absurdes et décalées, Jiazi réussit le mariage pas forcément contre-nature du Rock urbain et des campagnes taiwanaises. Ilha Formosa a rencontré l'auteur-compositeur-chanteur de ce groupe qui monte, nouveau chef de file du rock indépendant taiwanais.

"A Taiwan, les gens bavardent puis, lorsque le morceau est terminé, ils se tournent vers la scène pour applaudir. Je pense qu'il est important de regarder les musiciens quand ils jouent. C'est la raison pour laquelle j'ai voulu développer un vrai jeu scénique, notamment en intégrant des danseuses. Au départ, je faisais des expériences sonores, du bruit sans mélodies. J'étais étudiant en électronique biomédicale. J'avais pas mal de connaissances en informatique et en traitement de signaux. Et puis j'ai commencé à écrire des chansons."

Le chanteur Xiao Ying et ses deux danseuses, à l'underworld Shida Road

A 31 ans, Xiao Ying est le leader du groupe: cela ne fait aucun doute lorsqu'on le voit sur scène.

Sa musique sort aujourd'hui de la confidentialité des murs étriqués de la scène alternative.

Son album "Turn on the Disco ball" s'est vendu à plus de 7000 exemplaires sans publicité, par le bouche à oreille, une première dans le monde de la musique underground insulaire, puisque qu'aucun groupe auparavant n'avait dépassé les 5000 exemplaires. Puis sont arrivées les interviews et les invitations aux shows télévisés. Certains KTV's programment même l'une de ses chansons.

Pourtant cela n'entame en rien l'humilité et la timidité hors scène du chanteur : il aime la musique, le reste lui importe peu.

"Je veux atteindre un équilibre et la musique m'aide à ça. Je n'ai pas pour but de faire de la musique expérimentale ou underground pour public déjanté. Je veux m'adresser à tout le monde. Le plus important c'est que les gens soient touchés par ce que je fais."

En écoutant l'album de Jiazi, deux choses ressortent immédiatement : d'une part des faux airs de Nakashi, et d'autre part l'utilisation du dialogue, ce que Xiao Ying appelle le "Two men talk", au niveau de la forme. "Ma musique est très influencée par le Nakashi: c'est une musique triste, même si elle est moins dramatique que le Tango. Le Nakashi exprime la tristesse de la vie quotidienne. Quand j'étais petit, je me promenais souvent dans les quartiers des ouvriers et des petits commerçants, ils écoutaient tous du Nakashi en travaillant. Aujourd'hui, même si les gens n'écoutent plus beaucoup cette musique, elle fait néanmoins partie d'un patrimoine commun. Tout le monde sur l'île est très familier de cette musique". "Dans les années 70, deux gars faisaient un show à la radio taiwanaise. J'ai voulu essayer de faire la même chose sur scène. Mais je n'ai trouvé personne pour dialoguer avec moi. Alors le fais tout seul: une fois à gauche, une fois à droite…".

Interview du chanteur par l'équipe d'Ilha Formosa, quelque part dans le quartier de Gongguan.

Mais ne vous y trompez pas. Xiao Ying ne fait pas dans la copie: ce qu'il aime par dessus tout ce sont les mélanges de genres, les contrastes.

A l'instar de l'artiste japonais Tatuya Ishii (que Xiao Ying adore) qui arrange plutôt un patchwork de styles plus qu'il n'a pas de style pur et distinct, Xiao Ying fouille la musique, utilise un peu de Nakashi, mais l'égaie avec des arrangements pop rock.

Ces mélanges représentent bien Taiwan où les cultures chinoise, américaine et japonaise se frôlent, et parfois s'entrelacent.

Au niveau des paroles, le chanteur nous confie qu'il n'aime pas les gens trop directifs et il applique cela lors de l'écriture des textes: "je ne veux pas être trop didactique dans mes paroles. Je ne veux pas exprimer mes idées trop clairement. Je préfère m'exprimer par allusions, en jouant sur les diverses significations des mots, et ainsi laisser une marge d'interprétation au public".

Sans doute que le secret de la réussite de Jiazi vient du travail fourni et de la réflexion sur la musique que produit le groupe. Alors ils répètent inlassablement:

"Beaucoup de groupes à Taiwan n'ont pas cette rigueur car ils pensent que le public ne fait pas la différence entre un bon et un mauvais son. Ils prennent les spectateurs pour des imbéciles. Je pense au contraire que les spectateurs entendent la musique et peuvent repérer les défauts. Aussi lorsque nous répétons, nous faisons des enregistrements audio et vidéo, pour analyser ces défauts et rectifier le tir . Mais le travail se fait en amont, au moment des répétitions. Par contre, lors des enregistrements nous conservons les imprécisions humaines sans les corriger avec du matériel informatique: je veux conserver l'authenticité de la vie de l'enregistrement initial".

Le mot de la fin: "Je pense que ma musique est vraiment taiwanaise, mais mon objectif n'est pas de faire de la musique taiwanaise. Je travaille sur ma vie, je fais une introspection. Mais je suis taiwanais, alors… "

Sur scène

 

 

et à la ville

Enfin pour être vraiment complet, il faut signaler que Jiazi vient de signer une chanson sur la bande originale du film taiwanais "Better Than Sex". D'ailleurs cette BOF est a conseiller à tous les amateurs de musique taiwanaise qui bougent. Aux côtés de Jiazi, nous retrouvons, Zhang Zhenyue, mais aussi Nuo Mi Tuan (Stisky Rice) et Mc Hot Dog, entre autres.

Attention!

Accédez à la page web du goupe Jiazi. Très drôle mais tout est en chinois

 

Stéphane Ferrero / Jean Robert Thomann - Août 2002