Zhang Zhenyue

L'âge de dérision

 

 

Casquette et baskets à l'américaine, la vingtaine passée, Zhang Zheng Yue est fils d'un couple mixte (père taiwanais, mère aborigène). Il a commencé sa carrière comme de nombreux chanteurs taiwanais : beau gosse interprétant des chansons formatées pour faire craquer.

Zhang Zhenyue sur scène

Petit à petit, il s'est imposé comme auteur-compositeur-interprète et, au fil de ses trois albums, s'est imposé comme une pop-star singulière de la scène taiwanaise. Caractéristique principale de Zhang Zheng Yue : il se joue de la dérision, du premier degrés et de la provocation. Avec des mots simples qui frisent la naïveté, des chansonnettes pop-rock inventives, il touche la part d'adolescent qui existe en nous tous.
Son premier album sort en 1997 et on y trouve déjà son goût pour mettre en chanson son cerveau ramolli par la télé, les jeunes filles qui le rongent d'amours impossibles, l'ennui dans l'appartement, quelques pensées scatologiques. On découvre un musicien au talent de mélodiste et d'arrangeur qui sait fabriquer intelligemment des airs qui trottent dans la tête et qui nous remuent dans les bons sens.

1er album

second album

Il confirme son talent dans son deuxième album (1998). Dès la première chanson, superbe de simplicité, il demande de l'argent à ses parents pour sortir sa petite copine. Une petite transcription en français du refrain peut vous donner une idée de son style:

Papa, je veux de l'argent

Maman, je veux de l'argent

Papa, j'ai besoin de ton argent

C'est bête, mais associé à une bonne rengaine, ça fait un tube mérité.

Plusieurs slows "à faire tomber" parsèment le disque d'un vague à l'âme juvénile.

Dans son dernier disque (sorti en décembre 2000), nous découvrons un double Zhang Zheng Yue. L'un est fidèle à ses deux premiers albums, au risque de se répéter. L'autre était déjà en germe, en toile de fond dès les premières chansons : l'adolescent devenu grand qui veut choquer et provoquer, au risque de perdre sa légèreté d'éternel jeune homme désabusé qui espère encore. Il s'essaie dans la provocation directe, n'hésitant pas à faire péter toutes les personnes qui l'embêtent (la chanson a été censurée par le gouvernement taiwanais, interdite de télé, les taiwanais pudibonds … ?), à comparer la sexualité de ses voisins à celle d'un couple de chiens, à sortir son petit oiseau au détour d'un couplet.

Le dernier album paru!

L'adolescent un peu flémard, critique et chroniqueur incisif de la dérive contemporaine devient un rebelle un peu engagé. Le propos s'est un peu alourdi et l'attitude générale se teinte d'une complaisance qui flirte avec les facilités du succès. La musique a également changé. Zhang Zheng Yue pose parfois ses guitares pour s'essayer à la techno et aux machines. C'est une affaire de goût, certes, mais les idées ne sont pas toujours au rendez-vous.
Les deux univers concordent parfois et peuvent même donner un morceau à la réussite totale : 0204, petite chanson dont le titre correspond à un numéro où les hommes à l'âme seule peuvent entretenir quelques conversations sérieuses ou coquines avec des jeunes filles du monde entier qui, par miracle, parlent toutes le chinois ! Ce troisième disque reste ainsi une bonne galette de fraîcheur et d'énergie qui nous laisse entrevoir plusieurs pistes pour l'avenir de notre chanteur. Rendez-vous dans quelques mois pour découvrir la direction choisie par Zhang Zhengyue.

 

Jean Robert Thomann, octobre 2001