Développement de l’île

et tentatives d’implantation des étrangers

(du XVIIème siècle au XIXème siècle)


Le développement de l’île
C’est donc en 1683 que l’île est "récupérée" par les Qing et est officiellement rattachée à l’Empire céleste. Formose devient alors une préfecture ("Fu" en chinois) de la province du Fujian.

"Le premier objet du gouvernement chinois après la prise de possession de l’île, fut d’y établir des rouages administratifs capables de mettre en mouvement et de tenir en bride cette population turbulente. En conséquence, l’île  fut  convertie en un Fou ou préfecture de la province du Foukien et devint ainsi partie intégrante de l’Empire chinois: le nom de T’aï-ouan resta à toute l’île […]. Cette préfecture fut divisée en trois Chien ou districts; Tchou-lô, Taï-ouan, Foug-chan […]."

Entre 1683 et 1895, Taïwan se developpe considérablement et devient une terre d’accueil pour les migants chinois  qui viennent pour la plupart des côtes surpeuplées du Fujian et du Guangdong. Ces migrants s’installent principalement dans les plaines de l’ouest.
Mais l’intégration de ce flot de nouveaux arrivants ne se fait pas sans hostilité. En effet, ils se heurtent à la résistance aborigène qui voit d’un mauvais oeil l’arrivée de ces Chinois du continent. D’autre part, avec ces immigrés, ce sont de nombreuses sociétés secrètes très influentes qui s’installent sur l’île.
C’est ansi que plusieurs révoltes dirigées contre les fonctionnaires éclatent et qu’en 1780, la Triade organise un important soulèvement.
Par ailleurs, ces mêmes sociétés secrètes soutiennent des groupes de pirates qui pouvent ainsi trouver refuge dans l’île du fait de cette aide et du relief côtier qui offre de nombreuses cachettes
 

Les colonialistes
Le XIXème siècle présente un caractère tout particulier. D’une manière générale on peut dire que les grandes puissances s’intéressent de plus en plus au sort de l’Extrême-Orient. Elles y  voient en effet des opportunités commerciales et espèrent soutenir de façon plus efficace les activités des missionnaires occidentaux. L’île de Formose ne déroge pas à la règle.

Les Anglais s’intéressent les premiers à l’île. Dès la première guerre de l’opium (1839-1842), ils l’attaquent prétextant de venir au secours de ressortissants britanniques, emprisonnés soit par le gouvernement chinois, soit détenus par des Aborigènes.

Après la seconde guerre de l’opium (1856-1860), le traité de Pékin oblige la Chine à ouvrir de nouveaux ports aux étrangers. En ce qui concerne Taïwan, les Occidentaux voient s’ouvrir à eux les ports de Danshui (ou "Tanshui", ou "Tan-chui" selon les transcriptions), Jilong (ou "Keelung", "Kelung", ou bien encore "Ki-long"), Anping (ou "Ngan-ping") et Gaoxiong ("Takao").

Toujours dans un souci de venir en aide à leurs ressortissants, les Européens encore plus pressants appliquent à Formose "la politique de la canonnière". Il semble en fait que les Occidentaux s’étaient apperçus que le pouvoir central chinois de Pékin ne se préoccupait que peu du sort de Formose, et au demeurant, y avait peu d’autorité. C’est dans ce contexte qu’en 1869, les Anglais bombardent Anping et les Etats-Unis dirigent une expédition punitive contre une tribu aborigène, suite à l’assassinat de marins.

Mais parallèlement à ce climat de violence, le commerce étanger s’accroît sur l’île. Le camphre, le thé, le riz, le sucre et le bois s’exportent de mieux en mieux, tandis que l’opium est le principal produit d’importation.

En 1872, la menace vient du voisin japonais. Tout commence avec la mort de pêcheurs des Ryukyu, assassinés par des Aborigènes taïwanais. Trois marins meurent noyés et cinquante sept sont tués par la tribu des Bhutans. La région des Ryukyu était de façon traditionnelle sous la tutelle de la Chine. Mais le Japon voulait étendre sa souveraineté à cette région. Ainsi, prétextant la vengeance de ces pêcheurs, les autorités japonaises, qui commencent dès lors à se constituer une industrie et une armée moderne, décident d’un raid sur Formose.
Ce sont 2 500 soldats, sous les ordres de Charles Legendre (alors conseiller militaire  américain au service de l’Empereur du Japon), qui attaquent le grand port taïwanais de Jilong, et parviennent à s’introduire dans les montagnes de l’île afin de punir les Aborigènes à l’origine du conflit. Mais grâce à la résistance chinoise d’une part et à la médiation européenne d’autre part, en 1874, le Japon doit faire marche arrière. Cependant, ce dernier réussit à contraindre la Chine à lui verser des indmnités. Mais la souveraineté chinoise sur Taïwan est confirmée.

Dix ans plus tard, Formose est une fois de plus au coeur d’un conflit. Il s’agit cette fois de la France. En 1884-1885, la flotte de guerre française procède au blocus de l’île. Cela découle de la guerre qui oppose la France à la Chine.
Tout commence dans les années 1862-1867. A cette époque, le Vietnam uni à la Chine par des liens aussi étroits qu’anciens, est envahi par le sud et la France prend alors possession de la Cochinchine (provinces méridionales du Vietnam).

"L’Empereur d’Annam ne s’est que formellement résigné aux accords avec la France de 1874, établissant le protectorat de celle-ci. En 1876, puis à nouveau en 1880, il enverra une ambassade chargée du tribut à la cour de Chine, où elle parvient, en dépit du mécontentement explicite du gouvernement français, en juin 1881. Aux demandes de la Chine  dans le courant de l’année 1880 concernant les visées françaises sur le Tonkin, le gouvernement Freycinet oppose une fin de non recevoir. Il exige en outre le retrait des milices chinoises, mandatées pour bloquer le cours du fleuve Rouge: ces pavillons noirs [(en chinois "Hei qi jun" qui signifie littéralement bannières noires)], anciens corps Taiping [commandés par Liu Yongfu (1837-1917)] repoussés par les troupes impériales d’Annam en 1864 ont été, à condition de demeurer au-delà de la frontière, "récupérés" par le puvoir chinois. En dépit d’un accord franco-chinois en 1882 et des efforts diplomatiques de la Chine, la progression française se poursuit, intensifiée à partir de 1883. Un accord intervient cependant (convention Li-Fournier) en mai 1884, après la menace d’un raid sur Canton. En juin 1884, tandis que se poursuivent des négociations, les forces navales françaises attaquent la côte du Fujian en "représailles". La rupture est consommée: la bataille décisive - aucune déclaration de guerre n’ayant été faite - se déroule le 23 août dans la rade de Fuzhou, où la flotte chinoise est rapidement défaite. Les forts de la côte sont ensuite bombardés."

Parallèlement à cela, le blocus de Formose est organisé entre octobre 1884 et mars 1885. C’est l’amiral Courbet (1827-1885) qui est chargé des opérations pour le gouvernement français. Le riz est déclaré contrebande de guerre.
L’amiral, fin stratège, était partisan d’une guerre à outrance contre la Chine et avait des projets très ambitieux, comme par exemple l’annexion pure et simple de Taïwan ou encore, réduire à sa merci l’Empire du milieu en l’affamant au moyen du "blocus du riz".
 

La Chine réagit en lui opposant Liu Mingchuan  (1836-1896). Ce dernier organise et dirige la résistance contre l’amiral Courbet dans la ville de Taibei (ou "Taipei" ou "T’ai-pei").
 Liu Mingchuan, ancien gouverneur de la province du Fujian avait été envoyé de toute urgence pour contrecarrer les plans français. Mais en juin 1885, la Chine est finalement contrainte de signer le traité franco-chinois de Tianjin, où elle renonce à tous ses droits sur le Vietnam et accepte des des modifications de frontières au bénéfice de ce dernier. La France se retire alors de Formose.

Après le départ des troupes françaises, Taïwan devient une province chinoise, alors qu’auparavant elle n’était qu’une préfecture de la province du Fujian. Et en 1887, l’homme qui avait su si bien résister à l’amiral Courbet, Liu Mingchuan, est nommé gouverneur de la jeune province de Taïwan.

"Il fonda un arsenal et une poudrerie, installa des batteries d’artillerie autour des cinq principaux ports, renforça la marine de guerre. Il établit un nouveau cadastre, réorganisa les impôts et créa des bureaux d’Etat qui contrôlaient la production de camphre, de soufre, de sel, d’or et de charbon. Il modernisa la capitale provinciale, Taibei, faisant paver les rues et faisant éclairer celles-ci à l’électricité. Il construisit le premier chemin de fer, créa un systême moderne de postes et télégraphes, réunit l’île à la côte du Fujian par un câble sous-marin. Il developpa le commerce d’exportation du thé et créa sous patronage officiel une compagnie de navigation à vapeur desservant Taïwan, la Chine propre, l’Inde, les mers du sud. Il avait aussi créé à Taibei des écoles modernes où l’on étudiait l’Anglais, et le matériel nécessaire à tout ce programme d’équipement provenait d’Angleterre."

Mais Liu Mingchuan qui avait su si brillamment résister aux assauts  français, puis moderniser Taïwan, ne s’était pas fait que des amis au sein de la cour de Chine. Ainsi, en 1891, il est démis de ses fonctions et disgrâcié par la volonté des ultra-conservateurs qui n’appréciaient pas l’esprit novateur de Liu Mingchuan. Les ultra-conservateurs ayant à ce moment-là les faveurs de l’Empereur, ils en profitent pour contraindre Liu Mingchuan à quitter son poste.

Comme nous avons pu le constater tout au long de l’Histoire de Formose, l’île occupe une position stratégique très convoitée. Cela est particulièrement vrai en cette fin de XIXème siècle. Le Japon, qui dans un passé proche avait déjà fait preuve d’une attitude belliqueuse, va encore plus loin dans ce sens. Et en 1894, se met en route la guerre sino-japonaise, qui se poursuivra jusqu’au début de l’année 1895.

"La guerre eclate lorsqu’un navire japonais attaque un convoi de troupes chinoises le 21 juillet 1894. Le convoi est coulé; les batailles navales consécutives voient la rapide défaite de la Chine […]. En janvier 1895, Weihaiwei, où sont réfugiés les restes de la flotte chinoise, est pris également, la flotte parciellement détruite.
L’armistice débouche sur le traité de Shimonoseki d’avril 1895: les Japonais recevront 200 millions de Taëls d’indemnité, la pleine propriété des Pescadores […] et de Taïwan, l’ouverture de quatre ports à traités de plus, le droit de s’établir et de créer des entreprises dans tous les ports ouverts."

En ce qui concerne la cession de Formose, la population locale concernée ne voit pas d’un très bon oeil le fait de ne pas avoir été consulté à ce sujet, et la bonne société taïwanaise avec le soutien de Tang Jingsong (ou "T’ang King-Song" en transcription E.F.E.O.) tente succesivement d’offrir le protectorat de l’île à l’Angleterre puis à la France. Mais les deux nations refusent. Taïwan se proclame alors République indépendante et Tang prend en mains la présidence. Pourtant, celui qui, en coulisse dirige tout, c’est Liu Yongfu, déjà connu pour avoir été auparavant chef de bandits et ancien commandant du corps des pavillons noirs, envoyé par la Chine pour défendre le Vietnam contre les Français quelques années plus tôt. Mais en juin 1895, l’armée japonaise débarque dans l’île et la toute jeune République tombe déjà en ruines.

Le Japon prend donc ainsi le contrôle de Formose et cela pour cinquante ans. Taïwan ne redeviendra chinoise que le 25 octobre 1945, après la défaite du Japon lors de la seconde guerre mondiale.